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Illustrations (J'ai Lu)

Relooker les textes du Maître de Providence dans la collection poche des éditions J'ai Lu, un défi de taille pour le dessinateur du Chant des Stryges. N'est ce pas une bonne occasion de se frotter à d'autres techniques et méthodes de travail ? Rencontre...

Propos recueillis par Damien Cerqueus - Pavillon Rouge

Portfolio d'illustrations

Comment êtes-vous venu à l'illustration ?

Richard Guérineau : Par hasard. J'avais réalisé un portfolio d'illustrations pour un libraire BD (NDWM : CinéFlash en 1999), une douzaine d'images en noir et blanc inspirées de la peinture romantique et de la littérature fantastique du XIXe. Le portfolio a été remarqué par Benoit Cousin, directeur littéraire chez J'ai Lu, qui m'a proposé de réaliser des couvertures pour leur nouvelle collection fantastique/S-F.

Pourquoi faire de l'illustration quand on est dessinateur de bande dessinée ?

R.G. : Ça me permet de sortir momentanément de la BD, de travailler sur une durée plus courte et de changer de technique. Pour faire des illustrations, j'ai besoins d'avoir un projet précis, je n'arrive pas à faire ça pour moi, tout seul dans mon coin, sans objectif bien défini.

Quels sont les liens et les différences entre la bande dessinée et l'illustration ?

R.G. : La bande dessinée, c'est une histoire en plusieurs centaines d'images ; l'illustration c'est parfois plusieurs histoires en une seule image. La BD, c'est un développement narratif alors que l'illustration est une synthèse. En BD, je construis progressivement une ambiance telle que je la souhaite ; pour l'illustration, l'atmosphère est déjà existante, la difficulté est de bien comprendre et interpréter l'esprit du roman, surtout lorsqu'on ne connaît pas l'auteur et qu'on a deux jours pour lire le manuscrit ! Pour Lovecraft, je connais l'atmosphère sur le bout des doigts, même si je ne me souviens pas forcément de certaines nouvelles. Parfois on vise juste du premier coup, parfois on est un peu à côté. Le manque de temps empêche de prendre du recul, c'est une autre manière de travailler.

L'Affaire Charles Dexter Ward

Et d'un point de vue technique...

R.G. : Techniquement, l'illustration m'impose un changement d'outil. Les éditeurs de romans sont toujours un peu réticents sur le style BD. Dès que le cerne apparaît un peu trop, que le dessin est trop encré, ils me le font gentiment remarquer. Du coup, j'essaie plutôt de travailler à la gouache, mais cette' technique me rend anxieux et fébrile. Depuis que j'ai découvert l'ordinateur, je me suis libéré du carcan de la matière picturale. Je m'amuse comme un gosse, je bricole, j'expérimente, je mélange photos, peintures, dessins et j'arrive enfin à m'approcher des images que j'ai en tête.

Faire ces illustrations vous permet-il de revisiter l'univers de Lovecraft ?

R.G. : Le problème avec Lovecraft, c'est comment représenter quelque chose qui est censé être innommable ? C'est parfaitement impossible ! Quand Druillet s'empare de Lovecraft, il fait du Fruillet avant tout. Son univers graphique est tellement bien défini qu'il ne cherche même plus à le faire correspondre aux nouvelles qu'il illustre. Le parti pris inverse - essayer d'être extrêmement fidèle aux descriptions de Lovecraft - débouche souvent sur des monstres parfaitement ridicules. Pour moi, la meilleure adaptation graphique de Lovecraft est celle Breccia, car sa représentation de l'Abomination est quasiment abstraite. Alors moi, dans tout ça, j'ai un peu l'impression d'être le nouveau locataire d'un lieu chargé d'histoire, j'essaie d'aménager la déco à mon goût sans trop remuer les meubles.

Êtes-vous libre de dessiner la couverture que vous voulez ? Avez vous des contraintes éditoriales ?

R.G. : Pour chaque roman, l'éditeur m'envoie une fiche technique plus ou moins précise. Il arrive qu'il ait une idée de ce qu'il veut sur la couverture, parfois non. J'essaie de tenir compte de tout ça, mais je peux aussi lui proposer autre chose. Je considère ce travail comme une forme de commande, avec des contraintes auxquelles il faut s'adapter, tout en essayant de tirer son épingle du jeu.

Vos lecteurs font-ils le lien avec vos travaux d'illustration ?

R.G. : Je ne sais pas. Très peu de gens m'en ont parlé. Cela dit, je ne me considère pas comme un illustrateur confirmé, il y a deux ou trois illus dont je suis entièrement satisfait. Pour les autres, il manque toujours un petit quelque chose, mais je finirai par le trouver !

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